Rêve ou projet de carrière? Comment évaluer le réalisme du choix scolaire ou professionnel d’un jeune en situation de handicap

Paru le 06 janvier 2017

Par Émilie Robert, conseillère d’orientation au Collège Montmorency
Auteure du livre Les personnes autistes et le choix professionnel – Les défis de l’intervention en orientation (2015), publié chez Septembre éditeur
 
Une personne en fauteuil roulant admise dans un programme de danse? J’ai déjà vu ça. Une adulte autiste éducatrice à l’enfance? Aussi. Un étudiant sourd qui travaille sur des plateaux de tournage? Bien oui! Il existe des personnes au profil tout à fait singulier qui œuvrent dans un secteur qu’on aurait cru inaccessible en raison de leur situation de santé physique ou mentale. Toutefois, même si des cas individuels existent, ils demeurent l’exception. Comment savoir si le rêve professionnel se traduira en réelle carrière?
 
Beaucoup de conseillers d’orientation, de parents et de jeunes se posent la même question : « Mon fils pourrait-il devenir journaliste malgré son autisme? » ou « Vais-je pouvoir devenir comptable malgré mon trouble obsessionnel-compulsif sévère? ». Il n’existe pas de bonnes réponses à ces questions. Lorsqu’un jeune a un rêve professionnel qui semble très éloigné de sa réalité actuelle, il faut l’aider à traverser certaines étapes qui l’amèneront à sentir qu’il fait un choix éclairé, bien que son projet semble un rêve impossible.
 

1re étape : Comprendre l’intérêt pour cette profession ou pour ce programme d’études

Lorsqu’un jeune en situation de handicap demande de l’aide pour réaliser un rêve professionnel, il faut prendre le temps de bien comprendre la motivation derrière ce rêve. Souvent, le jeune a en tête une profession depuis longtemps. Certains disent également qu’ils ont besoin d’une profession excitante et stimulante, sinon ils ne seront pas passionnés par leur travail. Dans bien des cas, une dimension émotive est liée à ce désir. Par exemple :
 
  • Une étudiante a eu des traitements de physiothérapie après avoir vécu un accident grave. En devenant physiothérapeute, elle veut donner à d’autres ce qu’elle a reçu.
  • Un jeune veut devenir infirmier, car sa mère est infirmière et c’est la personne la plus importante dans sa vie.
En décortiquant ses motivations dans le cadre d’une démarche d’orientation, le jeune est en meilleure position pour déterminer si la profession qu’il vise peut vraiment répondre à ses aspirations. Si ce n’est pas le cas, comme pour le jeune qui veut devenir infirmier pour se rapprocher de sa mère, il faut trouver une solution mieux adaptée à ses besoins.
 

2e étape : Identifier les risques et les difficultés possibles ainsi que les ressources disponibles pour les surmonter

Après la première étape, si l’étudiant demeure hautement engagé envers son rêve professionnel, il faut l’aider à identifier les défis, les difficultés ou les inconvénients qu’il risque de rencontrer. Il faut également l’aider à trouver les ressources à sa disposition dont il pourrait avoir besoin pour surmonter chacun de ces obstacles. Par exemple :
 
  • Un jeune anxieux qui désire travailler dans le domaine de la santé vivra beaucoup de stress lors des stages. Il faudra qu’il trouve des ressources pour gérer son anxiété. On peut lui suggérer de participer à des groupes d’entraide pour personnes anxieuses ou d’avoir recours à un suivi psychologique.
  • Pour les étudiants qui vivent des difficultés académiques, celles-ci pourraient s’accentuer à l’université. Il faudra penser à avoirs recours à des tuteurs, à faire des demandes de bourses pour ne pas avoir à travailler durant les études, etc.
  • Pour plusieurs étudiants (dont plusieurs jeunes autistes), les études ne sont pas difficiles. Cependant, l’accès à l’emploi l’est. On peut alors leur parler des organismes d’aide à l’emploi s’adressant spécifiquement aux personnes autistes. On peut aussi suggérer le travail autonome à ceux dont la médication empêche d’être alerte et concentré lors de certaines périodes de la journée. Enfin, le jeune peut commencer des activités de bénévolat dans le domaine qui l’intéresse, afin de se faire connaitre un peu.
 

3e étape : Prévoir un plan B

Pour tous ceux qui semblent avoir un projet difficile à réaliser, il convient d’identifier un plan B. Il sera moins attirant et moins excitant, mais plus réaliste. De plus, ce plan correspondra davantage à leurs habiletés sociales et à leur dossier scolaire. C’est l’étape la plus difficile, car explorer d’autres options donne parfois à l’étudiant l’impression de s’avouer vaincu. Ni son conseiller d’orientation, ni lui, ni ses parents ne sont devins. Aucun ne peut prédire l’avenir, que ce soit de façon optimiste ou pessimiste. Le succès en carrière repose souvent sur une série de hasards, comme le fait d’être au bon endroit au bon moment. On ne peut pas prévoir ces évènements.
 
Cela dit, la capacité à gérer ses émotions et le développement des habiletés sociales sont difficiles à prévoir, surtout chez les personnes autistes. Par exemple, certains adultes autistes ont accompli des réalisations professionnelles inouïes. Pourtant, si on leur en avait parlé alors qu’ils avaient 18 ans, ils auraient été pétrifiés! Il vaut donc parfois la peine de s’accrocher à ses rêves. En même temps, il faut aussi savoir laisser de côté un rêve et s’engager dans un projet professionnel réaliste et satisfaisant, si la poursuite de ce rêve engendre de la souffrance. Ainsi :
 
  • Le jeune autiste qui souhaitait devenir journaliste a regardé attentivement des maitrises en rédaction professionnelle pour devenir réviseur ou terminologue.
  • Le jeune très anxieux qui s’intéressait à la santé s’est dirigé vers les archives médicales.
  • Le jeune qui a un TOC sévère a tenté des études universitaires, mais il a constaté que des études professionnelles en comptabilité lui convenaient mieux.
 
L’important est donc de s’engager dans un parcours scolaire ou professionnel dont l’on connait les risques et les ressources pour minimiser leur impact. Il faut aussi élaborer un plan de « sauvetage » (plan B), au cas où les difficultés deviendraient trop importantes. Le jeune sera alors en mesure de prendre une décision éclairée. Même si cette expérience n’aboutit pas à l’exercice de la profession convoitée, le jeune aura appris. Bref, rien n’est impossible, mais certaines choses sont moins probables. Vaut mieux se préparer au pire et carburer à l’énergie produite par un rêve pour avancer dans sa vie scolaire et professionnelle!