Quatre choses que j’ai apprises en changeant de carrière à 30 ans

Paru le 28 août 2018

Par Francis Vachon, photographe et auteur

Programmeur web pour le gouvernement fédéral. Fonctionnaire. Gros salaire. Horaire prévisible. Fonds de pension généreux. Sécurité d’emploi. Avantages sociaux. Job de rêve pour plusieurs? Ça l’était pour moi, jusqu’à ce que l’ennui et le manque de défi m’approchent de la dangereuse frontière de la dépression.

À 30 ans, j’ai pris une année sabbatique et vendu mon condo pour financer un retour aux études dans une autre province. La seule formation en photojournalisme au pays s’offre au Loyalist College à Belleville, Ontario. Un an plus tard, ma formation était terminée et je commençais à travailler à la pige pour plusieurs journaux et magazines. Encore un autre deux ans, et la photo devenait mon seul revenu.
Voici ce que j’ai retenu de ma décision de faire un changement de carrière à 30 ans.

Dans n’importe quel voyage, le premier pas est toujours le plus difficile.

Alors que je passais des nuits blanches à me demander si je devais quitter un travail très payant et une sécurité d’emploi béton pour une formation et un avenir incertain en photographie, c’est un ami qui m’a envoyé cette phrase un peu clichée. Je ne sais pourquoi, mais elle a produit son effet sur moi. J’ai lâché prise, pris acte de ma lettre d’acceptation au programme, et j’ai foncé. Après avoir fait le premier pas, tout a semblé si facile : j’ai fait naviguer mon destin là où je le voulais.

On a toujours le choix. Il faut juste être prêt à l’assumer.

Ce qui me retenait tant de faire un retour aux études était l’impossibilité de revenir en arrière si jamais la photo ne fonctionnait pas pour moi. L’angoisse me tenaillait et c’est là que plusieurs arrêtent leur raisonnement : « j’ai une maison à payer, j’ai des responsabilités, je n’ai pas le choix de garder le job payant que je déteste tant ».
On a toujours le choix. Cependant, plusieurs ne sont pas prêts à en accepter les conséquences possibles. Le jour où j’ai décidé de faire le premier pas, j’ai aussi décidé d’assumer mon choix. Peut-être que ça ne fonctionnerait pas. Peut-être que j’aurais vendu ma propriété pour rien. J’ai admis le fait que je ne serais plus jamais programmeur web pour le gouvernement, mais que je ne serais peut-être jamais photographe non plus... 

Quand on veut une chose, tout l’Univers conspire à nous permettre de réaliser notre rêve.

Voilà un autre cliché, répété si souvent depuis que Paulo Coelho l’a écrit dans L’Alchimiste. Loin de moi l’idée de croire au destin, tel que cette phrase peut le laisser supposer! Cependant, en écoutant les signes, en étant attentif à son entourage, il est facile de constater qu’autant de gens semblent avoir été mis sur notre route pour nous aider à accomplir notre vision. Aujourd’hui, j’essaie de payer au suivant en donnant un coup de pouce aux étudiants et nouveaux diplômés des écoles de photo chaque fois que c’est possible. Je suis maintenant l’Univers qui conspire pour les autres.

Être heureux est facile. Trouve ce que tu aimes faire, et trouve quelqu’un qui te paiera pour le faire.

Au bout du compte, j’ai réussi ma transition vers une nouvelle carrière. Évidemment, mon revenu de photographe est moindre que le salaire plutôt élevé que je gagnais à l’époque comme programmeur. Mais vous savez quoi? Des gens me paient pour faire des photos. C’est une phrase tellement étrange que je me la répète souvent lorsque je réalise un contrat : « il y a quelqu’un, présentement, qui me donne de l’argent pour faire ça. »
Lorsqu’on est heureux, tout le reste devient facile et naturel. Alors que j’étais pétrifié pendant plusieurs semaines avant de présenter un exposé oral au secondaire, je donne aujourd’hui des conférences dans des clubs photo devant, parfois, des centaines de personnes. Et j’adore ça! Je suis régulièrement invité à collaborer dans le cadre d’émissions de radio (en direct!) ou de télévision, toujours sur le sujet de la photographie, et c’est chaque fois une expérience que j’adore.
J’aime tellement discuter, argumenter, et vulgariser sur le sujet que j’ai créé une chaine YouTube pour pouvoir le faire quand bon me semble.
Et s’il y a bien une autre chose qui me terrifiait lorsque j’étais un adolescent boutonneux au secondaire, c’était mes cours de français. J’ai échoué à des examens, j’ai repris des cours. Je DÉTESTAIS le français.
Mais si on saupoudre le français d’un peu de « photographie-qui-me-rend-heureux »?
Depuis plus de dix ans, j’écris sur le sujet dans mon blogue. J’ai même tenu une chronique dans le Journal de Montréal pendant un an! Assurément, plusieurs professeurs de français à la retraite, voyant mon nom et ma photo à côté de mon texte, doivent se poser beaucoup de questions.
Et aujourd’hui? C’est fou ce qu’on peut réaliser et surmonter lorsqu’on est heureux. De piètre étudiant en français, je suis maintenant devenu auteur. Deux fois plutôt qu’une. Et dans la même année, comme si ce n’était pas assez!
La face cachée de la photo – prendre et diffuser des images en toute légalité a été publié en avril 2018 chez Septembre éditeur. Récemment, c’est En photo et en affaires qui arrivait sur les tablettes.
Être heureux, c’est aussi ça.