Le travail autonome : une solution ou un piège pour les personnes autistes?

Paru le 02 octobre 2017

 
Par Émilie Robert, auteure et conseillère d’orientation au Collège Montmorency
 
On estime qu’environ 1 % de la population serait autiste[1]. Qu’elles divulguent ou non leur diagnostic, on sait que les personnes autistes sont plus nombreuses à être surqualifiées ou sans emploi. Et si le travail autonome devenait une solution pour une meilleure situation d’emploi?
 
Rappelons que le trouble du spectre de l’autisme (TSA) affecte les habiletés sociales et la capacité à communiquer adéquatement. Il se caractérise également par des intérêts restreints et des comportements stéréotypés. Autrement dit, il est difficile pour une personne autiste de comprendre et d’apprendre les règles sociales. Il leur est aussi exigeant de s’exprimer avec des mots, et le langage non verbal leur est très difficile à saisir. Toutes ces habiletés sont cruciales lors d’une recherche d’emploi, tout comme dans l’exécution de nombreuses fonctions de travail. Sans parler de la vie de bureau! Aussi, plusieurs personnes, mais pas toutes, ont un talent particulier dans un domaine pointu, au détriment de compétences plus générales, comme d’organiser son temps, de gérer ses émotions ou de se repérer géographiquement.
 
Étant donné leur profil particulier, le travail autonome parait comme une option pouvant leur permettre de mettre à profit leurs connaissances et leur talent, en minimisant les complications associées à la recherche d’emploi et aux relations de travail. Plusieurs jeunes autistes souhaitent pouvoir travailler seuls, dans la tranquillité de leur domicile, à s’investir à fond dans le domaine qui les intéresse et à recevoir une paie au bout de la semaine. Toutefois, le travail autonome comporte son lot de défis. Voici quelques pistes pour aider une personne autiste à se lancer de ce type d’emploi tout en minimisant la précarité qui y est associée.
 

Identifier une force particulière qui réponde à un besoin sur le marché du travail

Devenir travailleur autonome, c’est comme se lancer en affaires. Avant d’investir dans un projet, il faut s’assurer qu’il y ait une demande pour le service offert et que des gens soient prêts à payer pour un tel service. Je me souviens avoir déçu un jeune client lorsque je lui ai dit que personne n’était payé pour être un expert de Star Wars…
 
Cela dit, il arrive souvent que les jeunes autistes aient consacré beaucoup d’heures à une activité qui les passionne. Ils ont acquis des connaissances ou développé des habiletés souvent peu populaires chez leurs pairs. Cela leur permet d’offrir un service que peu de gens peuvent faire, comme de la traduction dans une langue étrangère, de la photographie artistique ou du dessin technique. Le conférencier et compositeur Antoine Ouellette racontait en conférence devant de jeunes autistes que toute sa carrière avait été bâtie sur son talent particulier en musique. Des gens l’approchaient pour lui offrir des contrats, puisqu’il était un des rares à pouvoir offrir le service en raison de ses connaissances très avancées dans le domaine de la musique et la musicologie.
 

Avoir l’aide d’un mentor ou d’une personne-ressource

Toutefois, tous n’auront peut-être pas la chance de M. Ouellet de se faire appeler pour des contrats sans les avoir sollicités. Rappelons que les personnes autistes ont habituellement peu d’intérêt, voire un malaise, à parler d’elles-mêmes et à se mettre en valeur. Souvent, c’est ce qui les rebute par rapport aux entrevues d’embauche, où l’on doit parler de ses forces, de ses talents, de ses réussites… Si le travail autonome permet de contourner le problème de l’entrevue d’embauche, il n’en demeure pas moins qu’il faut se faire connaitre de clients potentiels, faire valoir la qualité de ses services et entretenir un réseau de contacts.
 
L’accompagnement d’un mentor s’avèrera essentiel pour que la personne autiste puisse être guidée dans ses démarches avec de potentiels clients. La plupart du temps, ce mentor sera un professeur ou un superviseur de stage. Souvent, les personnes autistes qui ont un talent particulier se démarquent durant leurs études collégiales ou universitaires et sont repérées par les professeurs qui reconnaissent leur potentiel et leur apport unique au domaine professionnel. Il faut bien sûr que la personne autiste puisse comprendre que ce professeur ou ce superviseur désire l’aider à percer dans le domaine. À ce sujet, les parents, un conjoint ou un professionnel de l’orientation peuvent jouer un rôle important pour aider le futur travailleur autiste à identifier les ressources de son milieu scolaire ou de son réseau pouvant agir à titre de mentor.
 

Gérer l’anxiété associée à l’instabilité financière

Le principal inconvénient au travail autonome est le fait qu’on ne peut jamais prévoir les entrées d’argent. Une fois un contrat terminé ou le travail remis à un client, il faut faire des démarches pour en obtenir d’autres. Les personnes autistes étant généralement anxieuses face à l’inconnu, la plupart seront inconfortables avec le fait de se diriger dans un type de travail où le salaire, le nombre d’heures travaillées et l’horaire ne sont pas connus d’avance.
 
Les quelques travailleurs autonomes autistes avec lesquels j’ai échangé me l’ont dit : « Je suis terriblement inquiet financièrement! ». Leur solution a été de très bien gérer leurs finances. Il est donc recommandé de prendre un rendez-vous avec un conseiller financier qui pourra les conseiller sur la planification des avoirs. Il pourra leur expliquer combien d’argent épargner lorsque les contrats s’accumulent et comment dépenser judicieusement lorsque les contrats se font plus rares. Enfin, faire affaire avec un comptable spécialisé en fiscalité pourra également aider la personne à se prévaloir de crédits d’impôt accessibles aux travailleurs autonomes.
 
 
Le travail autonome peut donc être une façon pour une personne autiste de participer au marché du travail et de mettre à profit ses talents d’une manière qui corresponde mieux à ses besoins. Les réseaux sociaux et Internet peuvent rendre possibles le réseautage et l’offre de service à distance, en minimisant les rencontres en personne. Il faut une petite dose d’audace pour se lancer dans ce type d’emploi, et heureusement, beaucoup de personnes autistes en sont capables, puisqu’elles sont tellement passionnées par leur domaine de prédilection. Dans de bonnes conditions, elles pourront tirer avantage de ce type de carrière de plus en plus fréquent!
 
[1] Source : Fédération québécoise de l’autisme : http://www.autisme.qc.ca/tsa/recherche/le-taux-de-prevalence.html, consulté le 25 aout 2017.