L'an prochain, mon enfant entamera son deuxième cycle du secondaire. Pourtant, il n'a toujours pas envie de parler de son choix de carrière. Que faire?

Par Catherine Carbonneau-Bergeron, Conseillère d'orientation passionnée et curieuse, œuvrant dans un centre d'éducation aux adultes depuis plus de douze ans

Paru le 24 novembre 2022

Que faire lorsque notre enfant n'est pas seulement indécis, mais indifférent aux questions relatives à ses projets de vie adulte? Voici quelques pistes pour tenter de mieux comprendre et accompagner votre enfant.


En tant que parents, nous souhaitons voir nos enfants grandir, se développer et gagner en autonomie pour finalement les voir voler de leurs propres ailes. C'est pourquoi, tôt ou tard lors de leur parcours au secondaire, les parents commencent à questionner leur enfant sur leur avenir professionnel. Si votre jeune n'arrive pas à vous fournir une réponse précise, mais démontre tout de même une certaine curiosité et la preuve qu'il est actif dans son processus de réflexion, vous vous sentirez probablement rassuré. Mais que faire lorsque notre enfant ne parait pas seulement indécis, mais complètement indifférent aux questions relatives à ses projets de vie adulte? 

En tant que conseillère d'orientation, c'est là un aspect important de mes interventions: tenter de comprendre les blocages qui maintiennent les individus dans une impasse en lien avec leurs projets de vie. L'important est d'essayer d'identifier la nature de ce blocage. Voici quelques pistes:

 

1) Votre enfant ne se connait tout simplement pas suffisamment

Si se prononcer sur ses intentions de carrière peut sembler simple en apparence, c'est pourtant un processus complexe. Les jeunes doivent être en mesure de:

  • Réfléchir à leurs expériences passées pour repérer les tâches qui éveillent leur intérêt et dans lesquelles ils sont habiles (ce que plusieurs appellent « trouver son terrain de jeu » ou « son scénario de succès »);
  • Arriver à réfléchir à qui ils sont, à leur identité, à leur couleur personnelle, bref, à ce qui les distingue de leurs frères, leurs sœurs, leurs cousin(e)s ou leurs voisin(e)s;
  • Développer leur connaissance du monde du travail (qui, pour ne rien faciliter, est en constante transformation avec les progrès technologiques rapides de ce 21e siècle) pour tenter de faire des liens entre leurs caractéristiques personnelles et les exigences des différentes professions;
  • Réfléchir à leurs valeurs et à leurs besoins pour identifier leurs principaux critères de choix;
  • Évaluer les différentes possibilités au regard de ses critères de choix;
  • Avoir suffisamment de confiance et d'estime de soi pour prendre une décision, l'affirmer et oser s'aventurer hors de sa zone de confort en entreprenant une formation qualifiante.

Et j'en passe...

Peut-être que votre enfant ne manifeste pas d'intérêt ou de curiosité envers la question de ses projets de carrière parce qu'il se sent dépassé et ne sait pas comment amorcer, orienter ou encadrer ses réflexions. Isabelle Falardeau et Roland Roy, auteurs du livre à succès S'orienter malgré l'indécision (1999), mentionnent que certains jeunes seront tentés de répondre aux questions sur leurs intentions de carrière par un : « Parlez-moi pas de ça, ça m'énerve » et se « mettront la tête dans le sable », telle une autruche, pour éviter cette question existentielle et les angoisses qu'elle suscite. Ils espèrent ainsi que le temps arrange les choses et leur apporte subitement la réponse à la question de leur choix de carrière, telle une révélation.

Si vous sentez que votre enfant se trouve ainsi paralysé dans son processus de réflexion, vous pouvez lui apporter votre soutien en l'aidant à clarifier qui il est. Faites-lui part de vos observations en lien avec les points mentionnés ci-dessus. Par exemple, rappelez-lui des moments où il ou elle a fait preuve de débrouillardise et nommez les forces et les aptitudes qu'il ou elle a dû mettre de l'avant pour se démarquer. Expliquez-lui de quelle manière vous constatez qu'il ou elle se distingue de ses frères, de ses sœurs et des autres par ses intérêts, ses aptitudes et ses traits de personnalité). Évoquez les différents emplois occupés par des membres de l'entourage et les conditions associées à ces emplois (en termes d'environnement de travail, salaire, horaire, etc.) pour l'aider à préciser ses besoins et ses valeurs. Encouragez-le également à aller rencontrer le conseiller d'orientation de son école dont le travail est précisément d'accompagner les jeunes dans la clarification de leur identité et de les guider dans l'élaboration de leurs projets d'avenir.

 

2) Votre enfant a développé une image négative de lui-même et/ou du monde du travail

Il se peut aussi que la difficulté de votre enfant soit causée par une faible estime de lui-même et par son incapacité à envisager une vie adulte satisfaisante, dans laquelle il pourrait contribuer à la société par son implication dans une activité professionnelle. Falardeau et Roy (1999) utilisent l'image du pingouin pour identifier ces individus qui se montrent indifférents face aux opportunités professionnelles parce qu'ils ont une image négative de leurs compétences, de leur avenir, des professions et du monde du travail. C'est le cas de bon nombre d'élèves ayant des difficultés d'apprentissage et qui peinent à réussir au secondaire. Comme le souligne le pédiatre Mel Levine, dans son excellent ouvrage À chacun sa façon d'apprendre, l'école, par ses méthodes d'apprentissage et ses évaluations, suscite grandement les capacités d'attention et de mémorisation des jeunes apprenants. Les jeunes pour qui ces mécanismes d'apprentissage sont moins développés sont plus à risque de vivre des échecs qui peuvent parfois en arriver à colorer leur identité (« Je suis nul », « Je suis bon à rien »). 

Si votre enfant tend à se décrire de la sorte, tentez de créer une distance entre sa performance dans une matière scolaire et sa personnalité. Par exemple: « Tu as moins bien réussi à mémoriser les dates et évènements importants dans ton examen d'histoire. La mémorisation n'est peut-être pas ta plus grande force. Par contre, tu es doué pour plein d'autres choses comme résoudre des problèmes pratiques, manipuler des instruments avec précision, etc. »
Par ailleurs, s'impliquer dans des activités extrascolaires qui mobilisent précisément ses forces (loisirs, bénévolat, travail d'été) permettra à votre enfant de progressivement reconnaitre ses forces particulières et sa valeur en tant qu'individu (estime de soi). Vous pouvez aussi lui rappeler que les métiers professionnels et les techniques seront particulièrement populaires dans les prochaines années, plusieurs offrant d'excellentes conditions de travail et étant accessibles par l'obtention d'un diplôme d'études professionnelles (D.E.P.) accessible dès la réussite de la 3e ou 4e secondaire (en français, anglais et mathématiques). Des voies d'accès encore plus rapides sont possibles pour les personnes de 18 ans et plus. Si ce type de parcours axé sur l'apprentissage pratique d'un métier éveille sa curiosité, proposez-lui de cliquer sur ce lien pour découvrir les formations professionnelles offertes au Québec: https://www.monemploi.com/formations/programmes/secondaire-professionnel

Si votre enfant a abandonné ses études secondaires, il pourrait être bénéfique d'appeler votre centre de services scolaire pour demander une rencontre avec un conseiller SARCA. Votre enfant pourrait alors bénéficier d'une ou de quelques rencontres gratuites avec un conseiller pour explorer les différentes voies d'accès aux formations qui le rejoignent. Des conseillers d'orientation sont aussi présents et offrent des services gratuitement dans les carrefours jeunesse-emploi de la province:
https://www.rcjeq.org/

En conclusion, il faut se rappeler que l'adolescence est le théâtre d'une réorganisation des croyances, des valeurs et des perceptions qui se déroulera de façon plus ou moins rapide selon les individus. Bien qu'impatient de voir votre enfant s'engager dans une avenue professionnelle précise, il importe de se rappeler que le développement identitaire est un processus qui prend un certain temps. Le fait d'être indécis n'est pas un problème en soi, tant que votre enfant demeure actif dans son processus de réflexion et qu'il développe connaissance et confiance en soi pour se projeter dans différents rôles professionnels. Vous pouvez l'aider dans cet exercice en lui reflétant ses caractéristiques personnelles et en l'encourageant à recourir aux ressources et outils professionnels pouvant l'aider à réfléchir à ses projets de vie adulte. 

 

Références : 

Falardeau, I. (1999). S'orienter malgré l'indécision : À l'usage des étudiants indécis et de leurs parents déboussolés. Septembre éditeur.

Levine, M. (2003). À chacun sa façon d'apprendre. ADA.


 

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