Jeunes anxieux : quand la peur de se tromper bloque le choix professionnel

Paru le 20 octobre 2016

Par Émilie Robert, conseillère d’orientation au Collège Montmorency
Auteure du livre Les personnes autistes et le choix professionnel – Les défis de l’intervention en orientation (2015), publié chez Septembre éditeur
 
Comment être certain qu’on fait le bon choix de carrière? C’est une question à laquelle il n’y a pas de réponse claire. La majorité d’entre nous accepte qu’il y ait toujours une part de risque dans une nouvelle décision.
 
Que ce soit le choix d’une maison, d’une profession, ou même d’un conjoint, nous ne sommes jamais tout à fait certains d’être heureux tant que nous n’avons pas suffisamment expérimenté cette nouvelle réalité. Tandis que la plupart des gens trouvent un certain confort dans cette incertitude, les personnes souffrant d’un trouble anxieux ainsi que les personnes autistes qui vivent beaucoup d’anxiété éprouvent énormément de difficulté à l’accepter.
 
Je rencontre beaucoup de jeunes autistes ou ayant un trouble anxieux qui ont un projet professionnel assez défini, mais qui se sentent tout de même confus dans leur choix de programme d’études. La raison qui les amène à me consulter est qu’ils doutent que leur projet soit vraiment le bon choix. Ils souhaitent que je puisse leur confirmer que la profession choisie est toute désignée pour eux. Ou sinon, que je leur dise hors de tout doute quelle autre profession leur conviendrait mieux. Ils ont peur de se tromper, d’être déçus, de perdre du temps et de décevoir leurs proches. Rappelons que l’anxiété est un sentiment de peur exagéré par rapport au contexte. La personne qui souffre d’anxiété craint qu’une situation passée se reproduise dans le futur. Plusieurs me disent qu’ils se sont déjà trompés de choix scolaire dans le passé et ont terriblement peur de commettre à nouveau cette erreur. D’autres qui ne se sont pas forcément trompés ont simplement peur de décevoir ou de vivre un rejet ou un refus. Ils ont aussi peur de ne pas se trouver un travail adéquat après leur programme de formation.
 
Avec beaucoup de délicatesse, je leur réponds que plusieurs professions peuvent convenir à une même personne. De plus, une carrière est une succession de plusieurs décisions échelonnées sur une certaine période. L’important est que chaque décision (choix de programme, choix d’un emploi) soit prise de façon éclairée. Pour les jeunes autistes pour qui la communication verbale n’est pas assez concrète, je suggère des activités qui serviront « d’échantillon » afin de tester si un programme d’études ou une profession pourrait leur convenir. Ces activités conviennent tout autant à un jeune très anxieux et qui n’arrive pas à surmonter ses peurs par le simple raisonnement. Souvent, il s’agit de le mettre en action et de l’engager dans des activités qui réduisent son anxiété. À coup de petites réussites, le jeune gagne confiance en lui et en sa capacité à surmonter ses peurs.
 
Voici une liste d’activités qu’on peut proposer à un jeune qui veut valider son choix et qui souffre d’anxiété :
  1. S’inscrire à une activité « élève d’un jour », offerte dans différents collèges.
  2. Aller aux journées portes ouvertes des collèges et des universités.
  3. S’inscrire dans une activité de stage d’un jour.
  4. Faire une visite en milieu de travail ou rencontrer un professionnel. Pour les jeunes autistes, j’organise moi-même des visites ou des rencontres avec des personnes issues de mon réseau de contacts et de celui de mes collègues. Je prépare le jeune à cette rencontre et l’accompagne le jour de l’évènement, afin d’éviter que la rencontre ne génère plus d’anxiété que ce qu’elle vise à réduire.
  5. Aller à des rencontres d’information sur les programmes de DEP organisées par les différents centres de formation professionnelle.
 
Ces activités ont l’avantage de lui donner une information concrète, visuelle et véridique sur la réalité d’un programme d’études ou d’un emploi. Le fait que le jeune puisse voir les installations et rencontrer des gens lui fournit une information précise est très soulageant. Ensuite, la réalisation de l’activité est un petit défi en soi et le surmonter lui enseigne qu’il est capable de faire des démarches qu’il n’avait jamais faites auparavant. Enfin, le plus souvent, les milieux de travail et le personnel des établissements d’enseignement sont très accueillants et heureux que le jeune manifeste de l’intérêt envers leur profession et leur domaine d’études. Cette attitude d’accueil est rassurante pour lui qui s’inquiète de ne pas se tailler une place dans un domaine professionnel donné.
 
Durant l’automne, beaucoup de collégiens et de jeunes Québécois du cinquième secondaire sont à la recherche d’un programme d’études ou d’une profession qu’ils devront choisir avant la date limite d’admission du 1er mars. C’est le moment idéal pour eux de se mettre en action afin d’avoir davantage confiance en leur choix et d’apprivoiser la peur de se tromper. On ne peut jamais prédire l’avenir, mais on peut apprendre à gérer la peur de l’inconnu.