Comment surmonter le doute inhérent au choix d’un programme d’études?

Paru le 07 mars 2017

 
Par Émilie Robert, conseillère d’orientation au Collège Montmorency et auteure
 
Le 1er mars est maintenant passé… Plusieurs élèves du secondaire et étudiants du cégep ont déposé une demande d’admission dans un programme d’études postsecondaires. Et s’ils s’étaient trompés dans leur choix?
 
Beaucoup de jeunes ayant un trouble neurologique ou de santé mentale vivront ce sentiment au cours des prochains mois. Ces inquiétudes sont tout à fait normales. Selon une étude de Statistiques Canada[1] menée entre 2000 et 2010, 83 % des jeunes de 25 ans ont changé d’idée quant au choix professionnel qu’ils ont fait entre 15 et 17 ans.
 

Plus difficile pour les jeunes vulnérables à l’anxiété

Si l’incertitude quant aux choix scolaires est si fréquente, on peut comprendre que des jeunes ayant un trouble du spectre de l’autisme (TSA), une dysphasie ou un trouble anxieux ou de l’humeur vivent cette réalité avec beaucoup de souffrance. Ayant besoin de faits concrets et d’information visuelle pour donner un sens au monde plutôt incohérent qui les entoure, les jeunes ayant un TSA auront de la difficulté à s’imaginer dans une nouvelle école à l’automne prochain. Ils auront aussi possiblement de la difficulté à comprendre ce qu’impliquera la nouvelle charge de travail, et encore plus de sentir que ces apprentissages leur serviront sur le marché du travail. Les jeunes ayant un trouble anxieux, quant à eux, penseront qu’ils n’ont finalement pas fait le bon choix de programme d’études, car il fait partie de la pensée anxieuse d’avoir besoin de contrôler les évènements à venir et de se sentir désemparé devant une nouvelle situation où la performance et la réussite sont en jeu. Comme ils sont très vulnérables à l’anxiété, ces jeunes bénéficieraient d’une conversation avec leurs proches ou avec un conseiller d’orientation.
 

Comment gérer une période d’incertitude?

  1. Le doute est un phénomène normal dans la prise de décision

Tout d’abord, il est très normal de douter de son choix. Prendre une décision implique de renoncer à quelque chose, que ce soit de renoncer à un autre programme d’études, à la possibilité de travailler ou de simplement prendre une pause des études. C’est normal! En général, les jeunes et les adultes développent des moyens d’accepter ce doute et d’être assurés que les choses se dérouleront bien. Cela est différent chez les jeunes ayant un trouble neurologique ou de santé mentale. Quand le doute devient envahissant, il est de mise d’en parler à ses proches, à des gens de confiance et surtout à un intervenant psychosocial, si c’est possible.
 
  1.  Chaque expérience d’études est une occasion d’apprentissage sur soi

Même si le programme choisi n’est pas aussi plaisant que souhaité, le passage dans un programme collégial ou universitaire sera une occasion de mieux connaitre ses gouts, ses forces et ses limites. Plusieurs jeunes autistes rencontrés en counseling d’orientation ont conclu qu’ils devaient changer de programme après une première session collégiale. Toutefois, ils se sont rendu compte qu’ils n’auraient pas pu identifier le programme qui leur convenait si ce n’avait été de ce passage dans un premier programme. Cette première expérience les a aussi initiés à la réalité collégiale et au rythme et aux exigences de ce niveau d’études. Ils se sentent désormais prêts et en meilleure position pour faire face aux apprentissages de ce deuxième programme.
 
  1. Ce qui apparait comme un mauvais choix au départ peut s’avérer être un bon choix lorsque le stress de la nouveauté est passé

C’est souvent lors de la remise des premiers travaux et des premiers examens que les étudiants plus vulnérables remettent tout en question. La pression de la performance étant difficile à gérer, ils se sentent incapables de répondre aux attentes des enseignants ou de leurs parents, et surtout aux exigences qu’ils s’imposent à eux-mêmes.
Avant de conclure que c’est le programme qui leur fait défaut, il vaut la peine d’en parler avec un conseiller d’orientation afin de faire le bilan des difficultés rencontrées. Souvent, on constate qu’elles sont liées à l’anxiété et que l’étudiant pourrait les rencontrer dans n’importe quel programme. Il vaut mieux miser sur le développement de compétences en gestion du stress et de l’anxiété plutôt que de changer de programme. La forte majorité des collèges et des universités embauchent des psychologues qui sont disponibles pour rencontrer les étudiants afin de les aider à gérer le stress et l’anxiété liés à la vie scolaire.
 
  1. Lorsqu’on change de programme ou de parcours, certains acquis peuvent être crédités

S’il s’avère que le programme ne correspond réellement pas au profil de l’étudiant ou si, malgré les mesures d’accommodement, la réussite est compromise en raison de son trouble neurologique ou de santé mentale, tout n’est pas perdu. On peut faire des demandes de changement de programme à l’intérieur d’un même établissement ou dans d’autres établissements. Souvent, comme dans le cas de la formation générale au collégial, des cours peuvent être crédités.
 
 
Il n’y a donc pas de mauvais parcours. Certains sont plus longs, peut-être plus pénibles, mais lorsqu’un jeune plus vulnérable est bien accompagné dans sa transition vers les études postsecondaires, il pourra en tirer des bénéfices, quoi qu’il advienne.
 
[1] Statistiques Canada. (2015). Étude : Tendances liées aux choix de carrières et aux études postsecondaires qui y sont associées, 2000-2010. Repéré à http://www.statcan.gc.ca/daily-quotidien/150127/dq150127a-fra.htm.