Favoriser des initiatives qui soutiennent les valeurs de travail intrinsèques pour améliorer la santé psychologique

Par Frédérique Lépine, étudiante à la maitrise en orientation à l'Université de Sherbrooke, en collaboration avec le professeur Mathieu Busque-Carrier, Ph. D., c.o.

Paru le 06 mars 2024

 

Les recherches sur le développement de carrière démontrent que les individus ont tendance à favoriser des milieux leur permettant de s’épanouir, de réaliser leur potentiel et de se développer psychologiquement [1,2]. Sur le plan organisationnel, un niveau plus élevé de santé psychologique au travail permet aux personnes employées d’être plus mobilisées, engagées et productives [3,4]. Il est donc dans l’intérêt des organisations de promouvoir des pratiques favorisant le bienêtre des personnes employées.

 

Au Québec, au moins une personne en emploi sur quatre présenterait un niveau élevé de détresse psychologique, dont plus de la moitié associent directement leurs symptômes au travail [5]. Ces enjeux de santé psychologique au travail engendrent des absences répétées du personnel, ce qui coute plusieurs milliards de dollars par année aux organisations québécoises [6].  En réponse au problème exposé, il est pertinent de s’intéresser aux valeurs de travail, qui sont définies comme des croyances qui guident les actions d’une personne et qui lui servent de critères sur lesquels s’appuyer pour juger de la désirabilité d’un emploi ou d’un environnement de travail [8,9]. Selon le modèle de Busque-Carrier et Le Corff [9], il y aurait trois grandes catégories de valeurs de travail :

1. Les valeurs de travail intrinsèques regroupent les valeurs dont la source de satisfaction provient de la réalisation des tâches liées au poste (p. ex. : la stimulation intellectuelle et la coopération);

2. Les valeurs de travail extrinsèques combinent les valeurs dont la source de satisfaction provient des conditions de travail offertes aux personnes employées (p. ex. : la rémunération, les avantages sociaux et la flexibilité);

3. Les valeurs de travail liées au statut réfèrent aux valeurs dont la source de satisfaction est inhérente au sentiment de réussite personnelle et au fait de se retrouver en position de leadeurship (l’autorité et le prestige).

 

Il a été démontré que les valeurs de travail intrinsèques peuvent agir comme facteur de protection pour la santé psychologique au travail [10,11]. En d’autres termes, accorder un haut niveau d’importance à ce type de valeurs est associé à un plus haut niveau de santé psychologique au travail. Six valeurs de travail sont incluses dans cette dimension : la stimulation intellectuelle, la variété, le développement, la créativité, l’altruisme et la coopération. Les organisations ont donc tout à gagner de proposer des initiatives qui permettront aux membres du personnel de soutenir leurs valeurs de travail intrinsèques. Voici quelques propositions pertinentes :

- Proposer des tâches stimulantes, variées et qui sont porteuses de sens, plutôt que de se restreindre à des tâches simples et répétitives pour lesquelles iels n’ont pas d’intérêt;

- Donner des occasions de faire preuve de créativité et d’innovation pour résoudre des problèmes au travail;

- Encourager et favoriser la participation à des ateliers de formation ayant pour but de perfectionner leurs compétences professionnelles;

- Encourager les occasions d’échanges, de coopération et d’entraide, comme des groupes de codéveloppement et des rencontres d’équipe.

 

En conclusion, les organisations doivent mettre en place des conditions optimales pour que leur personnel puisse atteindre un haut niveau de bienêtre psychologique. Cette chronique propose aux organisations de mettre en place des initiatives qui permettront aux membres du personnel de soutenir leurs valeurs de travail intrinsèques, ce qui contribuera assurément à favoriser leur épanouissement professionnel et leur bonheur au travail.

 

Références

1. Dagenais-Desmarais, V. et Privé, C. (2010). « Comment améliorer le bien-être psychologique au travail? » Gestion, 3(35), 69-77. https://doi.org/10.3917/riges.353.0069

2. Deci, E. L., Olafsen, A. H. et Ryan, R. M. (2017). « Self-determination theory in work organizations: the state of a science. » Annual Review of Organizational Psychology and Organizational Behavior, 4(1), 19‑43. https://doi.org/10.1146/annurev-orgpsych-032516-113108

3. Santé Canada. (2015). La Norme nationale sur la santé et la sécurité psychologique en milieu de travail : une étape à la fois. Commission de la santé mentale du Canada. https://www.mentalhealthcommission.ca/wp-content/uploads/drupal/2019-03/Trousse%20PSTSS_Outil%2036_Une%20etape%20a%20la%20fois_FR.pdf

4. Gouvernement du Canada. (2016). Santé psychologique en milieu de travail. Ministère de l’Emploi et du Développement social.

5. Gouvernement du Québec. (2022). Les déterminants de la détresse psychologique élevée liée au travail : résultats de l’Enquête québécoise sur la santé de la population 2014-2015. Institut national de santé publique du Québec.

6. Chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail. (2014). Santé psychologique au travail : les conséquences du stress. http://www.cgsst.comlfralles-conseguences-dustress/pour-lorganisation.asp

8. Ryan, R. M. (Éd.). (2023). The Oxford Handbook of Self-determination Theory. Oxford University Press.

9. Busque-Carrier, M. et Le Corff, Y. (2022). Échelle intégrative de valeurs de travail  : Manuel professionnel. Institut de recherches psychologiques.

10. Busque-Carrier, M., Ratelle, C.F. et Le Corff, Y. (2022). « Work values and job satisfaction: The mediating role of basic psychological needs at work. » Journal of Career Development, 49 (6), 1386-1401. 11. Busque-Carrier, M., Ratelle, C.F. et Le Corff, Y. (2022). « Linking work values profiles to basic psychological need satisfaction and frustration ». Psychological Reports, 125 (6), 3183-3208.

 

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